RIO 2016 : A trois dans le bateau

Deux rameurs français ont été appelés sur le podium des Jeux de Rio, vendredi 12 août, un peu avant midi. Jérémie Azou et Pierre Houin, habillés de bleu et de blanc, ont reçu la médaille d’or du deux de couple poids léger. Mais l’ombre d’un troisième homme les a accompagnés pour cet instant d’éternité, comme elle avait été à leurs côtés un peu plus tôt pendant la course.

Aux Jeux de Rio, Stany Delayre a enfilé le rôle ingrat de remplaçant pour les poids légers. Il n’a pas ramé. Il a suivi les courses depuis la berge. Mais Jérémie Azou et Pierre Houin lui ont rendu hommage, sitôt l’arrivée franchie, face aux caméras puis en conférence de presse. Une année plus tôt, Stany Delayre avait été sacré champion du monde avec Jérémie Azou sur le lac d’Aiguebelette. Pour l’année olympique, l’encadrement de l’équipe de France lui a préféré Pierre Houin. « Il était avec nous, je pense à lui, a avoué Jérémie Azou. La médaille, il ne l’a pas autour du cou, mais il sait le pourcentage qui lui revient de droit. » Pierre Houin explique, d’un air grave : « Stany est resté avec nous depuis notre arrivée aux Jeux. Il nous accompagnés partout, même à la pesée. Il était là quand nous avons débarqué après la finale. Il nous a félicité. Nous l’avons remercié. »

Jérémie Azou le reconnaît : le titre olympique a été construit pierre par pierre, avec patience et obstination, depuis le début de l’olympiade. A Londres, en 2012, le bateau français semblait posséder tous les attributs pour l’emporter, mais un faux-départ en finale a déréglé sa mécanique. Résultat : une 4ème place chargée par les regrets et la déception. « A Londres, avec Stany on s’est dit plus jamais ça, raconte Jérémie Azou. Alors on a bossé, tous les jours. On a essayé de dégager un maximum de marge, mais quand on voit avec quelle avance on gagne aujourd’hui, on se dit que tout ce labeur était le strict minimum par rapport à ce qu’on aurait pu imaginer. »

Le rameur d’Avignon touche enfin au but. La route a été longue. Les échecs douloureux. La grave blessure de Stany Delayre, en 2013, puis la défaite une année plus tard en finale des Mondiaux à Amsterdam, dans le vent, pour cinq malheureux centièmes. « Mais je ne regrette pas toutes ces expériences, même celle des Jeux de Londres, suggère-t-il aujourd’hui. Notre catégorie est hyper dense. Rien n’y est joué d’avance. Il faut parfois le vivre à ses dépens pour en avoir conscience. »

Appelé en début de saison, Pierre Houin s’est plié au même régime. Entraînement, rigueur, sacrifices. « Notre sport, ce n’est pas du sprint, image le plus jeune du duo. Pour y arriver, on a bossé quatre heures par jour, avec au quotidien une pensée pour les Jeux de Rio ». Appelé en début de saison à remplacer Stany Delayre, Pierre Houin a accepté le challenge avec envie, mais sans en refuser le risque. « Monter dans un tel bateau à moins d’une année des Jeux était un défi, dit-il. Je le savais. Par rapport à Stany, je n’avais pas le droit de terminer 2ème. La pression était forte. Mais plus le risque est élevé, meilleure est la saveur. »

Sur l’eau, leur entente est parfaite. « Je suis là pour lancer un gros départ, puis Jérémie prend les choses en mains », aime résumer Pierre Houin. A terre, les deux rameurs ont su tisser en quelques mois une relation nouvelle, où l’ainé s’autorise souvent un regard paternel sur son jeune équipier. « Je suis un peu comme le grand frère, explique Jérémie Azou. Avec beaucoup d’amitié. Pierre représente la relève de l’aviron français. Il est aussi de mon devoir de lui transmettre un maximum d’expérience, pour qu’il soit demain le meilleur rameur français et l’un des meilleurs du monde avec le deux de couple poids léger. »

Travail, amitié, expérience. Trois mots pour résumer deux hommes et un bateau entré vendredi dans l’histoire de l’aviron français. « Dans vingt ans, il restera de tout cela une très grande amitié, entre nous mais aussi avec nos adversaires sur l’eau », confie Jérémie Azou. L’aviron est ainsi.

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